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Les mots en famille
Le soldat, la guerre et la paix
En cette période de guerre aux portes de l’Europe, il est utile de
rappeler ce que les mots
soldat,
guerre et
paix veulent dire dans leur
étymologie respective. Notre
famille de mots sera cette fois-ci
sémantique.

Le mot
soldat nous vient de
l’italien
soldato au XIV
e siècle et
désigne un « militaire qui reçoit
une solde ». Il est alors
à la solde
de. Mais d’où nous vient la
solde ?
Il faut remonter à Constantin,
l’empereur romain qui crée le
solidus devenu le
sol puis le
sou
dans notre monnaie. Composée
de 4,5 grammes d’or, cette pièce
devient la nouvelle unité de compte de l’Empire, au détriment du
denarius, le « denier d’argent ». Pour en maintenir la valeur,
Constantin confisque les métaux précieux des temples païens.
Bien payés, les mercenaires sont ainsi prêts au combat. La guerre peut
alors être bien menée.
En latin, la
guerre se dit
bellum. On retrouve le mot dans le célèbre
adage «
Si vis pacem, para bellum », « Si tu veux la paix, prépare la
guerre ». La forme
duellum est aussi attestée. Par étymologie
populaire, le mot sera rattaché à
duo, avec l’idée d’un « combat à
deux ». Les linguistes optent plutôt pour une racine indo-européenne
*dau- signifiant « brûler ». On a bien ici l’idée de « mettre un pays à
feu et à sang ».
Le français a gardé, dans cette famille, les mots
belligérant,
belliqueux,
rebelle et
rébellion.
Les Grecs ont, pour leur part, le mot
polemos qui désigne la « guerre »
et qui nous donnera
polémique, « bataille verbale, joute oratoire ».
Il faut attendre les Francs pour que le mot du vieux bas francique
werra s’impose et nous donne en français le mot
guerre. Sur le plan
phonétique, le
w des langues anglo-saxonnes devient le son
g en
français. Nous pouvons alors être sur le
pied de guerre.
Werra se retrouve en anglais
war et en allemand
Wehr avec l’idée de
« se défendre ». Il donnera en allemand
Wehrmacht, l’ « armée
régulière » allemande, et
Feuerwehr, les « soldats du feu, les pompiers ».
Si les armes blanches de l’époque, à savoir l’épée et le glaive, sont
courantes, l’arme de jet par excellence est la
lance. Cette arme,
d’origine gauloise, nous accompagne toujours.
Grâce à elle, il nous est permis de
lancer l’offensive,
lancer le débat,
lancer la polémique. Elle reste donc le
fer de lance de tous nos combats,
qu’ils soient verbaux ou militaires.
Il faut savoir toutefois hisser le drapeau blanc et demander la paix.
Les origines des guerres sont essentiellement des conflits territoriaux,
il n’est donc pas surprenant que le mot latin
pax dérive d’une racine
indo-européenne *
pag- ou *
pak- dont le premier sens est de « fixer
quelque chose ». C’est le
pieu qui sépare les terrains agricoles.
Ainsi a-t-on le mot latin
pagus qui désigne la « borne ». De là, le sens
de « territoire rural délimité par des bornes ». En dérivera le mot
paganus, le « paysan, propriétaire d’un champ borné ». Cela nous
mène à l’idée de territoire, c’est-à-dire un
pays, même racine. Les
bornes servent alors à fixer les limites et les frontières
Quand un accord sur les frontières est signé entre deux pays, on peut
conclure un
pacte et
pactiser pour trouver enfin la
paix, du latin
pax.
On pourra donc dire :
« Heureux les artisans de paix ! »
Philippe Le Pape
Délégation de Touraine
À la recherche du français perdu
Longtemps, nous nous sommes couchés, quelle erreur !, devant ceux
qui attaquaient le français ; « nous », façon de parler : ni DLF et ses
alliés, ni vous, chers lecteurs.
Parmi les agresseurs on trouve des journalistes, beaucoup
d’irresponsables politiques, des universitaires en mal d’idées jouant
aux précieux ridicules pour faire parler d’eux, etc.
Et ceux qui laissent faire sont à peu près les mêmes, ou leurs
confrères : par crainte d’aller à contre-courant d’une mode, par
inculture, par paresse... Le menu peuple méprisé des élites subit sans
qu’on se donne la peine de lui demander son avis.
Pourtant, plus grave encore que le jargon pseudo-anglais imposé par
le snobisme, l’entreprise de mutilation de la langue lancée par
l’ennemi intérieur fait des ravages. Alarme, citoyens !
Entre la réforme bancale de l’orthographe, la féminisation
anarchique des noms de métier
1, la disparition progressive de temps
grammaticaux, l’appauvrissement du vocabulaire remplacé par des
tics de langage, et à présent l’imbécillité de l’écriture inclusive ou la
révision de textes « trop difficiles », à force d’avanies le français prend
la mouche, à force d’avaries il prend l’eau.
Il est vrai que depuis toujours on entend des lamentations sur le sujet,
et toujours le français a été le plus fort. Alors ?
Alors, ce qui peut inquiéter aujourd’hui, ce n’est pas tant que « le
niveau baisse », ni les élucubrations de quelques-uns.
Non, ce qui inquiète – désespère, même –, c’est l’institutionnalisation
des dérives. Si une poignée d’illuminés décident de changer le
monde par la grâce d’un « e » par-ci et quelques points par-là, il leur suffit de braire des mots magiques tels
discrimination,
exclusion, et
aussitôt institutions, services publics, médias se mettent au pas.
Au point que, sans verser dans le complotisme, on finirait presque par
se demander s’il s’agit de transformer les Français en boeufs – le
temps a passé depuis de Gaulle.
On peine à croire que, depuis quelque quarante ans, la corrélation
entre appauvrissement de la langue et montée des extrémismes et de
la violence ait échappé aux gouvernants ; on sait pourtant que la
difficulté à formuler des idées exacerbe l’agressivité, mais on envoie
des brêles au vocabulaire très limité représenter la France... quand on
ne les nomme pas chevaliers des Arts et des Lettres.
L’école républicaine, laïque, gratuite et obligatoire, devrait y remédier
au moins en partie. Hélas ! elle participe au désastre : un poème trop
long, des mots peu courants ? on ne le fait plus apprendre, ni lire ; des
dictées catastrophiques ? on supprime les difficultés ; des passages au
passé simple dans un livre ? on les récrit au passé composé, etc.
Pourtant, on sait aussi l’importance de l’effort d’apprendre pour
développer le cerveau ; renoncer à l’exiger revient à dire à un gamin
peu doué pour le sport «
Ne te fatigue pas, tu ne seras jamais un
champion », et à le laisser perdre sa masse musculaire. Ou ses neurones.
Que faire ? Continuer à nous battre et à aller chercher notre cher
français sous les rebuts sans nous rebuter. Ne pas céder, argumenter
avec fermeté face aux délires prétendus progressistes, interpeller nos
élus, répandre la bonne parole (en français) – et la revue
DLF !
Et créer, à l’instar de la Carpette anglaise, un prix du Précieux
ridicule, de l’Aliboron prétentieux, du Sicaire du français, de
l’Estafier des cancres ?
Véronique Likforman
Délégation DLF Bruxelles-Europe
1.
Relire Le sexe des mots, de Jean-François Revel..